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Les articles 30 et 383 du projet de loi 02.23 relatif à la procédure pénale : une analyse interprétative

Rabat, Mamoune ACHARKI.

Avec tout le respect qui vous est dû, Monsieur le ministre, je ne suis pas d’accord avec votre raisonnement. Les articles 383 et 30 du projet de loi 02.23 ne peuvent être interprétés qu’à l’encontre de la Constitution et de l’esprit de la démocratie marocaine.
La procédure civile est la procédure suivie, en matière civile, commerciale, rurale et sociale devant les juridictions de l’ordre judiciaire (Selon le Lexique des Termes Juridiques, Dalloz). C’est la branche du droit privé qui a pour objectif la résolution des conflits entre les personnes physiques ou morales, privées ou publiques.

Au Maroc, cette branche du droit privée est régie par le Dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974) approuvant le texte du code de procédure civile. Il a été modifié et complété par 23 Dahir entre 1979 et 2019.

Comme vous l’affirmez Monsieur le ministre dans votre tribune publiée dans le journal l’Opinion Maroc le 21 juillet 2024, la procédure civile revêt une importance majeure dans l’arsenal juridique marocain. C’est notamment ce code et ses dispositions qui permettent, ou pas, aux justiciables un procès équitable et un jugement rendu dans un délai raisonnable, garantis par la loi suprême de l’État marocain.

La constitution de 2011, en plus de garantir les libertés et les droits fondamentaux à tous les citoyens dans son Titre II, énumère dans son Titre VII les droits des justiciables et les règles de fonctionnement de la justice, dans ses articles 117 à 128 et plus largement. Elle établit ainsi une base solide et un fondement progressiste tant pour l’organisation judiciaire que pour la procédure civile.

Après une série de réformes visant toutes à moderniser le système judiciaire marocain et à améliorer sa qualité et son efficacité, notamment celle du code de la justice militaire avec la promulgation en 2014 de la loi 108-13, et celle relative à l’organisation judiciaire avec la promulgation en 2023 de la loi 38-15, il est aujourd’hui question de réformer le code de la procédure civile, avec le projet de 02-23.

C’est dans ce sens que l’on se permet de réagir à vos déclarations, Monsieur le ministre. Nous- répondrons aux deux premiers points que vous avez abordés relativement aux articles 383 et 30 du projet de loi, dans le cadre d’un dialogue socio-juridique démocratisé, et dans le souci d’assurer à nos concitoyens une certaine diversité et divergence d’interprétation.

L’article 383 établit une discrimination entre le citoyen et l’administration publique.

Comme vous le précisez, Monsieur le ministre, cet article ne peut être lu et analysé qu’à la lumière du premier alinéa de l’article 6 de la constitution qui dispose : “La loi est l’expression suprême de la volonté de la nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant elle et tenus de s’y soumettre.”

L’article 383 dudit projet de loi énumère les cas dont l’exécution est suspendue par le pourvoi en cassation et les limites à :

Le statut personnel
La falsification subsidiaire
La conservation foncière
La validation des décisions judiciaires rendues par les tribunaux étrangers
Les décisions rendues dans les affaires administratives contre l’État, les collectivités territoriales, leurs groupes et organes, ainsi que les autres personnes de droit public.
Les décisions rendues par les tribunaux à l’encontre des sociétés d’État mentionnées à l’article premier de la loi n° 69.00 relative au contrôle financier de l’État sur les établissements publics et autres organes.
Les décisions rendues dans les affaires relatives aux biens de mainmorte contestées par l’autorité gouvernementale compétente.
Les cas prévus par la loi.

Les cas cités, que nous avons traduit du texte original en arabe, montre clairement qu’en ce qui concerne les personnes privées, qu’elles soient physiques ou morales, l’exécution des jugements est suspendue dans certains cas seulement : les alinéas 1, 2, 3 et 4. Tandis que dans le cas des personnes publiques, les alinéas 5, 6 et 7 s’étendent à toutes les affaires administratives contre l’État, toutes les décisions rendues contre les sociétés d’État, et celles relatives aux mainmortes, offrant ainsi un éventail plus large pour l’administration. Cette différence, restreignant les personnes privées largement comme nous l’avons expliqué, montre une discrimination entre les personnes privées et les personnes publiques, malgré votre refus, monsieur ministre d’employer ce terme.

Il est également pertinent de citer le principe de la protection de la partie faible, une constante en droit civil. Il va sans dire que si le citoyen se trouve face à l’administration dans un procès, il est la partie la plus faible. Il est alors logique que le législateur penche de son côté et non du côté de l’administration ou d’une personne publique quelconque, spécifiquement en droit civil.

L’article 30 instaure une discrimination entre les citoyens.

L’article 30 du projet de loi 02.23 établit une situation de fait nouvelle et plutôt curieuse. Comme vous l’expliquez, monsieur le ministre : “le projet (de loi) a relevé le seuil de compétence des tribunaux de première instance pour statuer en premier et dernier ressort à quarante mille (40 000) dirhams, et en premier ressort avec droit d’appel pour toutes les demandes dépassant quarante mille (40 000) dirhams.”

Dans ce cas, le texte est net et simple, et n’a pas besoin d’interprétation approfondie. Dans quel monde “une différence d’opportunité” (pour ne pas dire discrimination) d’accès au droit de recours est-elle un titre d’équité ?

La justice consiste à dire le juste, le vrai. La justice est une affaire de morale ; dans un grand nombre de cas, le côté pécuniaire n’est qu’une facette parmi tant d’autres. Comment peut-on se permettre de limiter le droit de recours ? N’est-ce pas une atteinte véritable à la présomption d’innocence et au procès équitable ?

Dans la défense de votre projet de loi, Monsieur le ministre, vous vous justifiez en expliquant que l’article 32 permet à la partie lésée dans des litiges ne dépassant pas 40 000 dirhams de faire annuler le jugement par le président du tribunal dans un délai de 15 jours, dans certains cas parmi lesquels nous citons : le non-respect par le juge de son champ de compétence, le défaut de conciliation entre les parties, la non-vérification préalable de l’identité des parties, le fait de statuer au-delà de ce qui est demandé, ou l’omission de statuer sur certaines demandes.

Cependant, ces motifs constituent tous des motifs de forme ; le justiciable ne pourra donc faire valoir son droit que sur la partie procédurale. Contrairement aux litiges dépassant 40 000 dirhams qui peuvent recourir à la cour d’appel, qui statuera d’abord sur la forme pour passer ensuite au fond.

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