Maroc–Mali (1-1) : le nul qui met à nu les limites du “plan Regragui”

EL HANBALI Aziz
Vendredi 26 décembre 2025, au stade Prince Moulay Abdellah (Rabat), le Maroc a concédé un match nul 1-1 face au Mali lors de la phase de groupes de la CAN 2025. Deux penalties, deux interventions de la VAR, et au final une soirée frustrante : le Maroc reste leader de son groupe avec 4 points, mais le contenu laisse un goût amer, d’autant que cette rencontre a mis fin à une série record de 19 victoires
Sur le papier, ce nul n’est pas un drame. Sur le terrain, c’est un signal d’alarme : une équipe favorite qui n’a pas de plan clair dès que le scénario se complique. Et dans ce diagnostic, la responsabilité du sélectionneur Walid Regragui est impossible à éviter
Un Maroc “dominant”, mais stérile
Le Maroc a eu des temps forts, de la possession, de l’intensité par séquences… mais une domination qui ne mord pas. Le but marocain, inscrit par Brahim Díaz sur penalty en fin de première période, ne récompense pas une supériorité écrasante : il récompense surtout une action isolée et une décision VAR.
Et après l’égalisation malienne à la 64e — encore sur penalty, après une faute dans la surface — le Maroc a donné l’impression de courir après le match… sans idée directrice
C’est là que le “plan Regragui” pose problème : un jeu trop prévisible, des attaques placées qui se ressemblent, des circuits qui finissent par se lire comme un livre ouvert. Une équipe de ce calibre ne peut pas dépendre de coups de sifflet pour faire basculer un match
Le faux confort de la continuité
Regragui aime la stabilité, la cohésion, la confiance donnée à un noyau. Très bien. Mais la stabilité devient un piège quand elle se transforme en entêtement.
Face à un Mali compact et discipliné, le Maroc avait besoin de variété : changements de rythme, permutations, appels entre les lignes, renversements rapides, plus de joueurs dans la zone de finition. Or, on a vu l’inverse : des attaques dans un couloir, puis un centre, puis on recommence. Quand un adversaire tient, le sélectionneur doit “casser le miroir” : proposer autre chose. Ici, le Maroc a longtemps joué comme si le but allait venir tout seul
Même la gestion des absences raconte quelque chose : Achraf Hakimi n’a pas joué (Regragui évoquait une reprise progressive après son souci à la cheville).
Mais justement : quand un cadre manque, on attend du staff une réponse tactique nette, un ajustement visible. Là, l’équipe a ressemblé à un groupe qui répète ses automatismes, sans recalibrer ses priorités
Coaching : le moment où le sélectionneur doit peser… et ne pèse pas
Un match qui se bloque, ça arrive. Un penalty concédé, ça arrive. La question est : que fait le sélectionneur quand le match sort du script ?
Après l’égalisation malienne, le Maroc n’a pas affiché de plan B évident
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pas de montée progressive vers un pressing plus agressif et coordonné,
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pas de supériorité claire dans l’axe pour casser le bloc,
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pas de séquences d’attaque “organisées” (courses, appels, fixations) qui donnent l’impression d’un travail spécifique.
Au contraire, on a surtout vu de l’empressement : accélérer sans structure, multiplier les ballons “vite vers l’avant”, compter sur un exploit individuel… et se heurter à un gardien malien inspiré qui a sorti des parades décisives
C’est exactement le reproche principal à adresser à Regragui sur ce match : son coaching n’a pas changé le destin de la rencontre. L’équipe a fini comme elle a commencé : avec de l’énergie, mais sans solution collective nette
La VAR comme bouée de sauvetage, c’est inquiétant
Le fait marquant est brutal : les deux buts sont des penalties, tous deux après intervention VAR. Reuters
Quand une équipe candidate au titre ne se crée pas assez d’occasions franches en jeu ouvert, ce n’est pas seulement “un manque de réussite” : c’est souvent un manque de mécanismes offensifs
On peut toujours dire : “le Mali est solide”. Oui. Mais le Maroc, à domicile, avec un public énorme, n’a pas le droit d’être réduit à espérer une décision arbitrale ou une action solitaire pour gagner. À ce niveau, on attend une équipe capable de fabriquer des buts, pas de les quémander
Le crédit du Mondial ne suffit plus
Regragui a un capital immense, gagné au Mondial, et il serait injuste de l’effacer. Mais la CAN, surtout à domicile, ne pardonne pas les “matchs moyens” à répétition. Reuters résume déjà l’idée : le Maroc a paru peu convaincant malgré son statut de favori
Et c’est là que la question de sa capacité à entraîner l’équipe revient, frontalement :
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Sait-il donner une identité offensive plus riche que “maîtrise + individualités” ?
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Sait-il adapter son plan quand l’adversaire verrouille ?
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Sait-il faire basculer un match au coaching, pas seulement à l’intensité ?
Pour l’instant, la réponse donnée par ce Maroc–Mali est inquiétante : le plan existe… mais il est trop lisible, trop rigide, trop dépendant du contexte
Ce que le Maroc doit corriger (vite)
Sans faire de révolution, trois urgences sautent aux yeux :
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Plus de jeu intérieur : des relais entre les lignes, des “troisièmes hommes”, des dédoublements dans l’axe — pas uniquement des centres
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Plus de rythme : alterner temps forts / temps faibles, accélérations programmées, renversements rapides
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Un plan B assumé : savoir changer d’animation, densifier la surface, oser des associations nouvelles plus tôt, et pas à la 80e dans la panique
Parce que ce nul n’est pas juste “un accident” : c’est un match qui raconte une chose simple — le Maroc peut dominer sans gagner, et une équipe qui domine sans gagner finit toujours par se faire punir




