Festival de Cannes 2025 : Le Cinéma au service du courage, de la mémoire et de la liberté-EL HANBALI Aziz
EL HANBALI Aziz
Sous les dorures du Grand Théâtre Lumière, c’est un vent de gravité et d’espérance qui a soufflé sur l’ouverture de la 78ᵉ édition du Festival de Cannes. Une cérémonie marquée par un engagement fort, à la fois artistique et politique, où les discours ont sonné comme des appels à l’action. Cette année, le cinéma ne s’est pas contenté d’être une fête : il s’est fait conscience, mémoire et résistance
✨ Laurent Lafitte, maître de cérémonie engagé
Laurent Lafitte, acteur et maître de cérémonie, a donné le ton d’entrée de jeu. Plutôt qu’un simple hommage au 7ᵉ art, il a livré un véritable manifeste pour un cinéma audacieux et porteur de sens. En évoquant des figures comme James Stewart, Jean Gabin, Joséphine Baker, Marlène Dietrich, Richard Gere, Isabelle Adjani, Taraneh Alidoosti, Rock Hudson, Adèle Haenel ou encore Volodymyr Zelensky, il a rendu hommage à celles et ceux qui ont osé mêler leur art à leurs convictions
« Seuls les audacieux devraient faire du cinéma », a-t-il cité, reprenant les mots du réalisateur Frank Capra, une phrase devenue cri de ralliement pour cette édition.
Il a poursuivi sur une réflexion vibrante :
« Si nous attendons du cinéma qu’il soit plus inclusif, représentatif, équitable… c’est bien que nous croyons en sa capacité à changer le monde. »
Un propos fort, dans une époque où les questions d’égalité, de diversité et de responsabilité artistique sont devenues centrales
👩⚖️ Un jury au féminin, porté par Juliette Binoche
Moment d’histoire : Juliette Binoche devient la 14ᵉ femme à présider le jury officiel du Festival. Elle succède à Greta Gerwig (présidente en 2024), une passation rare – seulement la deuxième fois que deux femmes se succèdent à ce poste. Entourée d’un jury paritaire et majoritairement féminin – Halle Berry, Payal Kapadia, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, Dieudo Hamadi, Hong Sangsoo, Carlos Reygadas et Jeremy Strong – Binoche a livré un discours profond, presque spirituel.
« Il est temps de faire naître la douceur, la confiance, de guérir notre ignorance, de lâcher nos peurs… »
Elle a surtout tenu à souligner la force des artistes dans les zones de conflit. Son hommage le plus bouleversant fut adressé à Fatima Hassouna, jeune photojournaliste palestinienne de 25 ans, tuée à Gaza avec dix membres de sa famille, la veille de la projection d’un film dans lequel elle apparaissait
« Elle aurait dû être parmi nous ce soir. L’art reste. Il témoigne de nos rêves, de nos luttes. »
Un silence chargé d’émotion a envahi la salle, comme pour rappeler que derrière la beauté des images, le monde continue de gronder
🎵 Hommage à David Lynch : un instant suspendu
La cérémonie s’est poursuivie avec un hommage au grand cinéaste américain David Lynch, disparu en janvier dernier. Connu pour ses œuvres mystérieuses et oniriques, Lynch a laissé une empreinte indélébile sur le cinéma mondial
La chanteuse Mylène Farmer, icône à la voix aérienne et à l’univers singulier, est montée sur scène pour interpréter une chanson inédite, écrite spécialement pour l’occasion. Un moment suspendu, entre rêve et recueillement
🏆 Robert De Niro, la légende honorée
Puis, dans une montée en intensité dramatique, la salle s’est levée à l’arrivée de Leonardo DiCaprio, venu remettre une Palme d’honneur à son mentor et partenaire de jeu, Robert De Niro.
DiCaprio a célébré l’homme, l’artiste, et l’icône :
« Robert De Niro, ce n’est pas seulement un grand acteur. C’est L’acteur. Avec Martin Scorsese, il a redéfini le cinéma. »
Dans un discours engagé et lucide, De Niro a saisi l’occasion pour alerter :
« Nous devons défendre la démocratie. L’art est démocratique par essence. Il est aujourd’hui menacé. Et c’est pourquoi nous sommes une menace pour les autocrates. »
Il a appelé à l’action, exhortant à s’organiser, à voter, à protester, sans violence mais avec détermination. Le cinéma n’est pas qu’un divertissement : c’est une arme symbolique contre la dérive des régimes autoritaires
🎤 Quentin Tarantino : le cri de ralliement final
Enfin, pour clore cette soirée dense et profondément marquante, c’est Quentin Tarantino – l’enfant terrible de Cannes – qui a été chargé de déclarer le festival officiellement ouvert.
Dans une déclaration théâtrale, typique de son style exubérant, il a lancé :
« IT’S MY HONOUR TO DECLARE THE 78TH FESTIVAL OPEN!!! »
🎞️ Cannes 2025 : une édition en résonance avec le monde
Ce premier soir du festival aura donné le ton : le cinéma peut et doit s’inscrire dans son époque. À travers les choix de programmation, les paroles prononcées sur scène et les hommages rendus, c’est un appel au réveil, à la solidarité, à l’audace artistique et politique qui a été lancé.
Le Festival de Cannes n’est pas une bulle dorée hors du temps. Il est un miroir de notre époque, parfois trouble, souvent chaotique, mais toujours pleine d’histoires à raconter – et de vérités à révéler
